OUI, LES ARTISTES SONT EN DANGER

Co-Signé
6 min readNov 18, 2020

Le futur de l’art, partie 2/3.
Partie 1 “Pourquoi 90% des français n’achètent pas d’art” à lire
ici.

Crédit : Adrien Olichon

S’INTÉRESSER AU SORT DES ARTISTES, C’EST PRÊTER ATTENTION À NOTRE PROPRE BIEN ÊTRE

Pour comprendre pourquoi les artistes sont en danger, il faut avant tout saisir pourquoi ils sont indispensables.

Ainsi, redescendons d’un niveau et commençons par l’essentiel : l’art (sous toutes ses formes visuelles et sensorielles) est important parce que nous en avons fondamentalement besoin dans notre quotidien.

Crédit : Jef Caine

Comme de nombreuses études le confirment (à lire les travaux menées par L’Organisation Mondiale de la Santé et Arts Council England), l’art -et la culture au sens large du terme- joue un rôle prépondérant, si ce n’est fondamental, à notre bien être personnel comme collectif.

De cette affirmation il s’en suit une question légitime :

Si l’art est bénéfique à ce point, comment donc ne pas accueillir avec enthousiasme l’omniprésence apparente de l’art dans notre paysage visuel ?

QUAND LES IMAGES NOUS ENVAHISSENT

Parce qu’à force de s’afficher dans les musées, les galeries, les foires, sur les réseaux sociaux, les produits dérivés ou les publicités, les images nous saturent. Les objets s’entassent. Notre attention s’évapore.

Ce n’est pas le fruit du hasard si nous sommes accro aux flux continus d’images et de vidéos sur Instagram (à voir le documentaire “Derrière nos écran de fumée” sur Netflix).
Ou que nous sommes des acheteurs et collectionneurs compulsifs jamais rassasiés (à lire Du vrai, du beau, du bien du neuro-biologiste français Jean-Pierre Changeux, notamment salué pour sa recherche sur la nicotine) :

“Si le collectionneur (d’art) est, en permanence, en train d’espérer de nouvelles acquisitions, c’est par disposition neurale.

On sait que les neurones de récompense interviennent dans cette conduite qui, en se répétant, peut échapper au contrôle de la volonté et devenir une addiction”.

Aussitôt vu, aussitôt acheté, aussitôt oublié.

Nous sommes en perpétuelle recherche de nouveautés. Impossible de lutter contre cette dépendance. Notre vie semble désormais régie par l’absorption compulsive d’images et l’achat frénétique d’objets.

En apparence si aisément accessible et consommable, l’art est bel et bien confondu à un produit de consommation courant qui résiste tant bien que mal à nos insatiables besoins primaires.

Tout est devenu beau et attirant. Bien au-delà des musées, l’art semble partout et nulle part à la fois.

Pour se protéger de cette dérive, les acteurs traditionnels du marché de l’art ont ainsi cherché à rendre l’art autant exclusif que possible.
Plus ils en contrôlent les accès, moins l’art est assimilé à un produit de supermarché.

N. B. Nous avions abordé dans la partie 1 la notion d’exclusivité de l’art par le prisme du modèle économique des galeries. Elle trouve ici une seconde explication plus philosophique.

On en convient, il s’agit ici d’un mécanisme de défense plutôt légitime …

Crédit : Lui Bolin

… Sauf qu’il y a aussi un effet secondaire non négligeable à cette pratique :

À force d’ériger des barrières à l’entrée, les institutions du marché de l’art traditionnel ont laissé le champ libre aux autres acteurs économiques.
Ceux-ci ayant maintenant le loisir de faire de l’art un puissant outil narratif et empathique de promotion.

Or l’art n’est pas un marketing facile, et souffre maintenant d’être vampirisé par une élite économique qui a oublié de reconnaître que la qualité artistique d’une œuvre c’est d’abord d’entrer en résonance avec ce qu’elle exprime.

Entre institutions traditionnelles élitistes et acteurs économiques sans vergogne, qu’elle est la place des artistes dans tout ce fracas commercial ?

LES RÉSEAUX SOCIAUX : UN INTERMÉDIAIRE AUSSI SALUTAIRE QUE PERNICIEUX

Bien que critiqués pour leur rôle dans l’omniprésence des images, les réseaux sociaux se trouvent être néanmoins un atout providentiel pour les artistes :

Exit galeries et autres intermédiaires aussi encombrants que gourmands. Les artistes peuvent désormais construire une relation directe et privilégiée avec des centaines, milliers voire millions de personnes !

Si nombre d’entre eux louent ainsi à raison le salut démocratique de la technologie, la réalité à grande échelle n’est malheureusement pas aussi reluisante qu’il n’y paraît.

Crédit : CollageSoul

Pour s’en rendre compte, imaginons un instant un artiste seul devant son ordinateur …

… lutter pour capter l’attention d’un public déjà bien distrait
face à des dizaines de millions de comptes d’entreprises, “influencers” et autres médias…

… dont l’utilisation des réseaux sociaux est rigoureuse, méthodique, optimisée jusqu’au moindre centime.

Malgré quelques coups médiatiques bien mérités (on pense par exemple à l’initiative engagée de Colette Bernard via TikTok) difficile de croire aux chances à long terme des artistes qui se trouvent loin de jouer à armes égales face à ces obsessionnels de la super croissance.

Le constat est amer. La douche plutôt froide.

Si les artistes n’avaient pas de base les compétences commerciales pour s’affranchir des galeries, ils n’ont pas non plus les compétences techniques et stratégiques d’une Gretchen Andrew pour pouvoir se démarquer efficacement au milieu de ce brouhaha médiatique.

Et si les réseaux sociaux n’étaient pas du coup devenus les eldorados du nouveau monde, dont seule une infime partie des artistes ont en réalité les ressources et compétences nécessaires pour suivre la course effrénée aux “likes” engagée par les entreprises du monde entier ?

Reclus sur internet, la distribution gratuite et de masse de leurs œuvres est devenue une charité. La visibilité est le nouveau salaire, bien maigre.

JEFF KOONS ET LES 99.9% RESTANTS …

Crédit : Kells Hayward

C’est le coup de grâce.

Non seulement chahutés par des intermédiaires pourtant si précieux, les plus créatifs d’entre nous font également les frais d’une vision grand public romantique.

Celle-ci masque le tabou de l’argent, la précarité, le besoin d’une seconde activité pour assurer son quotidien. L’écrasante majorité d’entre eux sont ainsi bien loin d’avoir la vie fantasque qu’on peut leur prêter.

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France
: 53% des artistes-auteurs français ont déclaré à la Maison des artistes gagner moins de 8 784€ en 2017. (lien, p.12)

Royaume-Uni : Le revenu moyen d’un artiste était de 6 020£ en 2015.
(lien, p.17)

Etats-Unis : Sur les 2 millions de diplômés des écoles d’art, seuls 200.000 (10%) arrivent à vivre de leur pratique. (lien, p.3)

Conséquence d’un isolement social couplé à un manque de protection juridique, les artistes se retrouvent de ce fait aux prises d’un manque de reconnaissance (financier comme sentimental) évident de leur travail.

LE MOT DE LA FIN

Au-delà d’être un marché présenté comme trop sélectif envers son public (partie 1), il se trouve que la distribution artistique semble également bien injuste envers son principal protagoniste : les artistes.

Ceux-si se trouvent alors coincés entre deux systèmes (l’un commercial, l’autre technologique) autant salutaires qu’inégaux.

Malgré tout, parce qu’ils sont les premiers à pâtir de cette situation, il semble évident que les artistes seraient également les premiers à bénéficier d’un éventuel changement de paradigme.

Les artistes détiennent assurément les clés du futur de l’art, à nous de les aider à en faire bon usage …

Ce texte est le second d’une série de trois articles rédigés après des mois d’études sur le marché de l’art, et dans le cadre du lancement d’un modèle de distribution & diffusion artistique inédit nommé Co-Signé.

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